lundi 2 février 2015

Une histoire de moutons




Les moutons. Du temps ou l’agriculture était moins spécialisée qu’aujourd’hui, on en trouvait probablement un peu partout. Pourquoi ? Le mouton donne de la laine, du lait (très riche par rapport au lait de chèvre ou de vache), de la viande. Le mouton, c’est la vie.


Enfin de nos jours, en France en tous cas, c’est moins vrai qu’avant. La filière lainière s’est effondrée (le développement des fibres synthétiques y a été pour beaucoup), la production de lait de brebis est vigoureuse, mais seulement dans les zones de production de fromage connus (Roquefort, fromages des Pyrénées) et la production de viande subit la concurrence internationale. Cela suscite l’inquiétude vis-à-vis de la pérennité de la filière ovine française, qui serait menacée par l’importation de mouton produit à bas coût en Nouvelle-Zélande (voir ici une question au Sénat d’un ex-élu Aveyronnais, et la réponse du ministère en charge de l’agriculture)…

On va donc faire un petit tour de la filière ovine en Nouvelle-Zélande, pour présenter sa structure, analyser ses forces et ses faiblesses, et voir si les agneaux néo-zélandais vont vraiment finir par diriger le monde. Tout d’abord, un peu d’histoire, en pompant outrageusement les informations citées ici.


Les premiers moutons furent débarqués par le capitaine Cook en 1773, mais apparemment ils n’avaient pas bien vécu le voyage et ils sont morts quelques jours après (je tiens à rassurer mes petits parents : pour les humains ça se passe bien de nos jours). Les véritables premiers pas de l’élevage ovin en Nouvelle-Zélande eurent donc lieu dans les années 1840, quand les colons importèrent des moutons d’Australie pour développer le pâturage des terres néo-zélandaises. Le développement de la filière fut alors très rapide, comme on le voit sur le joli graphique ci-dessous : on passe à 763 000 moutons en 1855 puis à près de 20 millions 40 ans plus tard.

Quel boom démographique !
L’élevage ovin de la 2e moitié du XIXe siècle a évolué sur plusieurs aspects, tiré notamment par l’évolution de la valorisation finale de l’élevage. C’est d’abord la laine qui a été le principal débouché, mais à partir de la fin du XIXe siècle les premiers navires réfrigérés sont apparus (1e cargaison exportée vers le Royaume-Uni en 1882) et l’élevage ovin s’est orienté vers la production de viande en plus de la production de laine. En parallèle, les races utilisées ont changé (croisements avec des races européennes), les prairies ont changé (destruction de la végétation spontanée et semis de graminées et trèfles importés), la structuration des troupeaux a changé (moins de mouton castrés pour la production de laine, plus de brebis et d’agneaux pour la viande). La filière a également dû faire face à plusieurs défis, comme la gale du mouton, venue d’Australie avec les premiers moutons, qui a décimé les troupeaux avant d’être éradiquée en 1894. Les lapins, introduits pour la production de fourrure, ont eux aussi causé de sérieux problèmes en se nourrissant des prairies à moutons.

Je suis sûr qu'une image de lapin mignon attirera plein de lecteurs
"A wild rabbit sitting in the grass" by Michael Palmer - Own work. Licensed under CC BY-SA 4.0 via Wikimedia Commons - http://commons.wikimedia.org/wiki/File:A_wild_rabbit_sitting_in_the_grass.jpg#mediaviewer/File:A_wild_rabbit_sitting_in_the_grass.jpg
Au XXe siècle, la filière a poursuivi son développement, toujours orienté vers l’export de viande et de laine, principalement vers le Royaume-Uni. Le cheptel ovin néo-zélandais a connu une phase de développement quasi-continu jusqu’au milieu des années 1980, en poursuivant sur les mêmes bases qu’à la fin du XIXe siècle : élevage basé sur le pâturage, export de la viande réfrigérée ou congelée et de la laine. Plusieurs facteurs vont cependant porter atteinte à ce modèle. En 1973, l’entrée du Royaume-Uni dans la Communauté Economique Européenne (CEE) puis la 1e crise pétrolière portent un coup à l’élevage ovin du pays ; de plus les fibres synthétiques se développent de plus en plus et la laine devient moins demandée. Des subventions gouvernementales permettent cependant de maintenir la filière à flots, et le nombre de moutons du pays connait ainsi son pic historique en 1982, jusqu’à ce que l’arrêt brutal des subventions à l’agriculture néo-zélandaise en 1985-1986 sonne la fin de la belle époque de l’élevage ovin en Nouvelle-Zélande.

Ça pourrait ressembler à un profil d'étapes du tour de France, mais non c'est pas ça !
Le cheptel diminue alors année après année, jusqu’à aujourd’hui où on trouve environ 30 millions de moutons dans le pays,  le chiffre le plus bas en Nouvelle-Zélande depuis 80 ans. Certains élevages ont été remplacés par des élevages bovins laitiers, qui se sont développés grâce au marché de l’export (en constante augmentation depuis la fin des années 1980). Les autres ont évolué pour s’adapter au nouveau marché mondial de la laine et de la viande, de manière à retrouver la rentabilité qui leur permet de perdurer. La productivité numérique apparente annuelle des élevages néo-zélandais est ainsi supérieure de moitié à celle des élevages français ! (0,96 agneaux par brebis, contre 0,66 en France d’après une synthèse de FranceAgriMer)



L’élevage de moutons en Nouvelle-Zélande n’est donc plus ce qu’il était. Le nombre d’ovins a chuté, les fermes des terres à fort potentiel passent à l’élevage bovin laitier, plus rentable. Mais le pays compte toujours 4 fois plus d’ovins que la France, la filière ovine est structurée depuis longtemps pour être efficace, et elle reste un des atouts du pays !

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